Respire

Respire. Ne pas oublier de respirer.

Respirer c’est ce que je dois faire

Pour rester calme face à vos idées sur ce que je suis 

Mais ne suis pas. 

Projetez sur moi tout ce que vous pouvez penser qu’est une femme arabe 

Une Palestinienne 

Une réfugiée. 

Née réfugiée. Toujours réfugiée 

D’un exil à l’autre 

Vous pensez que je suis paumée. Que je suis ignorante. 

Vous pensez que je suis émotive. Que je suis dénuée d’intelligence 

Vous pensez ma belle résilience pour de l’obstination 

Vous pensez ma force pour de la vulnérabilité. 

Je ne saurais plus qui je suis ou quoi. 

Respire.

Rangez-moi dans une case. C’est pas grave. 

Vos définitions limitent votre perception 

Elles ne limitent pas mon existence 

Vous pensez que je suis bornée. Vous voyez l’ironie?

De toujours m’accuser de ne pas savoir, de ne pas penser hors des cases. 

Je ne me mets jamais dans une case. Vous m’y mettez, ensuite vous essayez de me crucifier

C’est pas grave. Gardez-moi dans une case. 

Respire.

Ce n’est pas que je ne puisse pas identifier les systèmes d’oppression à cause de ‘mon ignorance’ 

C’est que je me suis battue, je me suis soulevée contre ces oppressions tant de fois 

C’est que je ne laisse pas ces systèmes me dévorer et me définir — vous compris. 

Je me définis moi-même — en dehors de vos cases. 

Les frontières imaginaires que vous posez m’enferment. Frontières visibles de votre bulle 

Mon espace est mien ; qui s’étend à l’infini — Je m’envole, je plante des graines, 

L’esprit infini comme le ciel, le pied ferme comme racine dans une terre épaisse 

Respire.

Respire. Ne pas oublier de respirer.

Respirer c’est ce que je dois faire

Pour rester calme face à vos idées sur ce que je suis 

Mais ne suis pas.

Tandis que mon stylo atterrit sur ce papier sans lignes 

L’encre noire démolit vos cases— dans mon espace qui est infini.  

Protégeant mes mots; me rappelant ma valeur. 

Je respire. 

Nada Serhan